Planification stratégique et… atypique!

ArticleFormations sur mesure

Tous les trois à cinq ans, la fondation Sur la pointe des pieds organise une journée de planification stratégique en rassemblant, autour d’une table, employés et membres du conseil d’administration pour parler bilan et faire des projections. Mais cette année, l’organisme établi à Chicoutimi a choisi de s’en remettre à l’approche innovante de la Factry pour guider sa vision de l’avenir. Le résultat est remarquable.

Du plein air en prescription

L’innovation et l’audace: Sur la pointe des pieds en fait son ordinaire depuis 25 ans en invitant des jeunes atteints de cancer, ou en rémission de la maladie, à prendre part à une expédition en montagne ou en rivière, sous l’encadrement de guides de plein air et de personnel médical.

On appelle ça l’«Intervention par la nature et l’aventure». L’approche a fait ses preuves pour armer des jeunes, souvent isolés par la maladie, d’acquis à utiliser dans leur quotidien: dépassement, détermination, gestion du stress, renforcement de l’estime de soi, etc. La nouvelle génération de médecins s’intéresse de plus en plus à ses bienfaits sur la santé. Aventure Écotourisme Québec, la référence en matière de tourisme d’aventure et d’écotourisme au Québec, vient par ailleurs de remettre le prix «Innover en temps de crise» à l’organisme pour ses initiatives visant à maintenir le lien avec les jeunes bénéficiaires durant la pandémie.

Fondation pointe des pieds activité

Photo : Fondation Sur la pointe des pieds

On fait comme d’habitude?

Avant d’arrêter son choix sur la Factry, le comité d’orientation stratégique du CA s’est interrogé sur la meilleure méthode à adopter pour son plan postpandémique.

«Lors de notre première rencontre avec la Factry, on a été interpelés par son approche innovante, ainsi que par l’enthousiasme de la formatrice Nathalie Houde et de la directrice Marie-Ève Chaumont, indique Pierre Malo, président du comité. Elles avaient fait beaucoup de recherches sur nos actions en amont, et on a senti qu’elles étaient très excitées à l’idée de travailler avec nous.»

Atelier Sur la pointe des pieds

Photo : Patrick Ricot

Relancer la cohésion d’équipe

En plus d’élaborer le plan stratégique, la fondation souhaitait agir sur la cohésion d’équipe. L’équipe de Chicoutimi s’est donc déplacée à Montréal pour participer à trois jours de formation en compagnie de plusieurs membres du conseil d’administration.

«Avant, notre planification stratégique se déroulait pendant une seule journée, autour d’une table, explique Pierre Malo. Cette année, avec la Factry, on a vécu des expériences d’une grande originalité à travers plusieurs modules, dont l’exercice du Fishbowl qui a permis à tous les participants de s’exprimer et de stimuler les échanges.»

Des participants devaient s’asseoir sur des chaises en cercle et exprimer leur vision de la fondation, tandis que d’autres, debout derrière eux, les écoutaient avant de prendre la parole à leur tour; ainsi, la réflexion évoluait au fil des échanges. La forme ludique privilégiée par la Factry a fait tomber l’appréhension de parler en public.

Un autre exercice vedette: la création d’une superhéroïne. Avec de la colle, des ciseaux et du carton, les participants ont imaginé en équipe une persona qui synthétise toutes les qualités et tous les attributs de leur organisation.

Des résultats au-delà des attentes

«Les résultats obtenus durant ces trois journées se sont révélés hyperintéressants, affirme Jean-Charles Fortin, directeur général de la fondation. Une semaine après, on a réalisé toute la portée de l’expérience: auparavant, on n’apportait que des retouches cosmétiques au plan stratégique précédent. Cette année, on a carrément fait la refonte de notre mission, avec une ambition beaucoup plus audacieuse, et ça, on ne l’avait pas vu venir! Pendant 20 ans, l’objectif de la fondation, c’était de favoriser le bienêtre des jeunes atteints du cancer; maintenant, notre mission, c’est de changer leur vie!»

L’équipe est repartie avec plusieurs projets de développement pour les années à venir, notamment l’inclusion des jeunes adultes de 30 à 39 ans dans leur clientèle cible. Une population souvent laissée pour compte par les programmes médicaux, surtout lorsqu’il s’agit d’hommes, renchérit le directeur général.

Quant à la cohésion d’équipe, elle s’est matérialisée bien au-delà des objectifs.
«Les administrateurs ont exprimé leur désir de rencontrer plus souvent les employés et de le faire dans un contexte qui s’apparente à nos expéditions, comme une descente en rabaska dans un parc régional, par exemple», ajoute Jean-Charles Fortin.

Les petits détails qui changent tout

Outre l’originalité de la démarche, c’est la qualité du soutien technique et logistique qui a impressionné les participants. La prise de notes en continu et la plateforme électronique ont permis à chacun d’avoir accès en tout temps à tout ce qui s’est dit durant les trois jours.

Et la Factry a le souci du détail: les espaces de travail décloisonnés qui favorisent les interactions, les lunchs santé confectionnés par un traiteur et les deux petites marches quotidiennes en groupe qui ont ponctué les séances de travail.

«Si tu veux changer tes bas bruns pour des bas multicolores, c’est avec la Factry que tu dois travailler, métaphorise Jean-Charles Fortin. Ces pros t’amènent ailleurs, te décoiffent au sens noble du terme. À condition d’accepter de te laisser déstabiliser et de faire confiance au processus.»

La parole aux jeunes

La Factry a également organisé une séance de travail, sans employés ni administrateurs, en rassemblant des jeunes ayant déjà participé à des expéditions thérapeutiques, des parents, ainsi que des donateurs et des bénévoles, notamment des médecins. Durant cette séance, chacun a pu s’exprimer librement sur le travail de la fondation, et tout ce qui s’est dit a alimenté la réflexion stratégique. «Toutes ces personnes ont lancé des idées qui n’avaient jamais été exprimées, affirme Pierre Malo. Et ça a été très stimulant.»

Mieux: cette séance a consolidé l’attachement des membres du CA à ces jeunes et a démontré l’impact de la fondation sur la vie de ces derniers. Laurence Yelle, 25 ans, est l’une des jeunes bénéficiaires qui a pris part à une expédition après avoir développé un cancer du cerveau en 2011.

«Je sais tout ce que cette expérience en plein air m’a apporté, mais participer à cette formation m’a fait prendre conscience de ce que ça apporte aussi aux parents. Ça soutient tellement de gens! Durant cette séance, on a ri, on a pleuré, on a vécu un mix d’émotions positives!»

À l’issue de cette formation a émergé, enfin, une réflexion sur le statut de ces jeunes, qui ne peut se résumer à la maladie dont ils souffrent. «Quand t’es un jeune adulte, y a aucune ressource pour toi dans le milieu hospitalier, t’es livré à toi-même», constate Laurence Yelle.

Sur la pointe des pieds les aide à voir la vie—et l’avenir—d’un peu plus haut.

Nathalie Schneider

Nathalie Schneider est journaliste spécialisée dans le plein air et le tourisme d’aventure et compte à son actif un très grand nombre de reportages de terrain. Elle est chroniqueuse plein air notamment au Devoir et occasionnellement à la radio de Radio-Canada. Elle s’intéresse également à des sujets reliés à la société, à l’art et à l’environnement.