La peur de suivre le courant

ArticleCréativité

Un jour, je suis devenu ingénieur en aéronautique. La vie promettait d’être facile. À tout juste 24 ans, je venais d’acheter une caisse de bon vin en vue d’un éventuel cellier. Bourgeois et installé, j’allais être. Et puis j’ai eu peur de moi. Est-ce que ma vie était déjà tracée? Mes rêves de voyage allaient-ils passer après l’accumulation de REER, après l’achat d’une belle maison, d’une auto performante? Il n’y a rien de mal dans ces choix, mais que vaut une vie sans surprise, sans inconnu? J’ai eu peur de suivre le courant. Assez pour changer de trajectoire et devenir enseignant en sciences durant cinq ans. Je n’ai jamais pratiqué mon métier d’ingénieur, mais j’ai aimé l’expérience de l’enseignement, surtout parce que je profitais de longues vacances estivales. En tant que passionné de grimpe et de randonnée, il fallait que je me promène dans l’Himalaya. Or, gros problème: la mousson s’abat sur le Népal à cette période de l’année, impossible d’y faire du trekking. La solution s’imposait: je devais encore changer de travail, ou, plus simplement, le créer, d’autant que l’entreprise que j’imaginais n’existait pas au Québec.

C’est sous l’influence des albums de Tintin, des films d’Indiana Jones et de ce besoin de voir le monde que j’ai créé une agence en tourisme d’aventure: Karavaniers. L’entrepreneuriat ne faisait pas du tout partie de mes objectifs de carrière. D’ailleurs, en avais-je déjà eu? J’ai eu les mains moites comme guide de montagne: en traversant une zone d’avalanche, lorsque le pilote du Twin Otter a voulu se poser sur une piste qui ne me semblait pas plus grande qu’une cour d’école. Ou quand j’ai été pris dans une tempête de neige mémorable au Népal à 5 000 m d’altitude en attendant les secours par hélicoptère avec huit voyageurs et 23 sherpas.

Mais, en affaires, je n’ai jamais eu les mains moites. Malgré plusieurs évènements qui ont eu d’énormes répercussions sur le tourisme international: les attentats du 11 septembre 2001, la guerre en Irak, la crise financière de 2008 et, surtout, la pandémie. Je savais que je devais être audacieux pour surmonter ces épreuves parce que, plus que tout, je voulais continuer à voir le monde. Et le faire voir aux autres.

Aujourd’hui, ma responsabilité d’entrepreneur m’oblige à me mobiliser pour réduire l’impact carbone de mes circuits internationaux. Un engagement que je poursuis depuis plusieurs années dans le même esprit que celui qui m’a motivé dès le début de mon aventure entrepreneuriale: par absolue nécessité.

Richard Rémy

Fondateur de Karavaniers et guide