Marie-Ève Chaumont : éloge du déséquilibre

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En tant que directrice principale, stratégie et développement des affaires à La Factry, Marie-Ève Chaumont a pour mission d’identifier les besoins des gestionnaires d’entreprise et d’amener ces gens à vivre une expérience transformatrice grâce à des formations adaptées.

Son parcours personnel et professionnel, placé sous le sceau de la recherche et du mouvement perpétuel, lui permet d’adopter une attitude prospective et d’agir en agent de changement pour le travail de demain. Son arme secrète: suivre le courant.

Comment définissez-vous votre rôle à la Factry?

Mon rôle, c’est de bien saisir les besoins des client·e·s et de m’assurer que le produit qu’on leur propose va avoir un réel impact sur leur organisation. Pour y arriver, je travaille à la fois en communication et en marketing; selon moi, ces outils sont indissociables pour parvenir à un résultat. J’apprends tous les jours, et j’espère que je vais apprendre toute ma vie, à améliorer la communication, qui est l’une des cinq compétences qu’on enseigne à la Factry. Apprendre à bien communiquer, comprendre l’autre, se faire comprendre, être empathique: c’est la chose la plus importante au monde. Pour moi, c’est un défi continuel.

Je suis persuadée que, pour grandir, les cinq compétences qu’on enseigne à la Factry doivent être nos cinq piliers. J’ai la chance de travailler avec des coachs et des équipes pédagogiques qui savent, justement, ce qu’est un bon communicateur ou une bonne communicatrice.
On a eu récemment un meeting Marketing et Communication, et j’ai dit aux équipes: demain, faut inviter la gang des ventes; c’est important que les employé·e·s de tous les services se parlent et développent une vision transversale. Sans ça, tu te parles à toi-même et tu restes en vase clos.

Comment votre parcours vous a-t-il amenée à assumer ces responsabilités?

J’ai travaillé pendant 10 ans à l’agence de publicité Sid Lee, d’abord comme réceptionniste, puis j’ai eu un poste de production à la création, une sorte d’entonnoir entre les demandes des client·e·s et les créatif·ve·s. J’ai dirigé cette équipe-là, puis Philippe Meunier [cofondateur de Sid Lee] a créé un poste pour moi, orienté vers la brand pour faire rayonner la marque Sid Lee.

Et puis, du jour au lendemain, j’ai tout changé. J’ai quitté Sid Lee, que j’ai toujours eu tatoué sur le cœur, pour aller m’installer dans Charlevoix et me lancer dans une nouvelle aventure professionnelle: le projet du Massif de Charlevoix avec Daniel Gauthier. J’ai travaillé sur l’expérience client et sur la programmation des évènements pour les trois pôles du Massif: la montagne, le train et l’hôtel La Ferme qui est aujourd’hui l’hôtel Le Germain. Je voulais mettre le village sur la map. En trois semaines, j’avais vendu mon condo sur le Plateau, à Montréal, et j’étais partie avec mon stock pour m’installer dans Charlevoix. Un an plus tard, j’avais un chum, j’avais acheté une maison et j’attendais des jumeaux.

Qu’est-ce qui, selon vous, a motivé ce désir d’explorer de nouveaux horizons, qui plus est, très loin de l’agitation de la métropole de Montréal et du milieu de la pub?

Créer quelque chose qui n’existe pas me motive terriblement, même si ça peut être inconfortable. L’inconfort est une phase normale de la créativité et de l’innovation. J’avais envie de me servir de mon expérience en innovation pour «partir» ensuite ma propre entreprise—La Base—sur un modèle qui n’existait pas. Mon but était de me saisir des besoins des client·e·s et, au moyen de séjours corporatifs en nature, les amener à réfléchir autrement grâce à un travail d’équipe. L’idée, c’était de les sortir de leur quotidien et de les aider à régler des problèmes tout en s’amusant. J’ai travaillé avec une grande diversité d’entreprises clientes—agences, cabinets d’architectes, municipalités, organismes gouvernementaux—, qui ne savaient pas à quoi s’attendre de cette expérience. On créait un effet de surprise en brainstormant, par exemple, en haut d’une montagne ou en kayak sur une rivière.

Ce n’était pas du team building. On réglait de vrais enjeux d’équipe avec un accompagnement pour l’organisation du travail: stratégies, collaboration, communication, relève, etc. Mes années Charlevoix ont démarré en 2013 et ont pris fin en 2020, au moment où le travail en groupe, c’était terminé, à cause de la pandémie. Après quelques mandats pour la Factry comme consultante, j’y ai pris à temps plein un poste de direction au comité opérationnel comme VP. C’était une toute nouvelle aventure, un mix qui me permet aujourd’hui d’exploiter toutes mes expériences. Je travaille désormais avec une équipe experte sur les meilleures techniques pédagogiques et des solutions innovantes à travers le monde…

Embrasser l’inconnu—et donc prendre des risques—fait partie des dix ingrédients de la créativité selon la Factry. En quoi le risque de l’échec fait-il partie de la solution?

Il ne faut pas avoir peur de ses idées; ce n’est pas grave si on se trompe. L’important, c’est de tester des choses, de changer les pratiques, de voir la réalité autrement. C’est important de se mettre en déséquilibre quotidiennement, d’être en situation d’ouverture. Tout le monde est capable de se mettre dans cette position; il n’y a rien de pire qu’imaginer qu’il n’y a pas d’autres options, que ce soit dans sa vie privée ou professionnelle. Des fois, ça peut faire peur; mais on en ressort toujours grandi·e, avec beaucoup plus de compétences dans son bagage.

Il faut voir ce qui ne marche pas comme un tremplin créatif plutôt que comme un échec. Ça prend peut-être un peu de naïveté, d’insouciance. Il ne faut pas trop analyser les situations, il faut laisser s’exprimer sa petite voix intérieure, son intuition. On peut comprendre quelque chose de tout ce que la vie nous envoie et non s’arrêter à ce qui ne marche pas. La peur de l’échec et le stress, ça peut être inconfortable, mais c’est une phase normale du changement; ça ne dure pas. La gestion du changement comprend plusieurs étapes, mais il y a quelque chose de neuf qui est en train de se créer; si tu mets trop de résistance, tu brises l’innovation. C’est une question de posture mentale.

Tu te trompes? Reviens à la case départ avec le bagage que tu as trouvé entretemps!
Ça me rappelle le yogi de Wall Street, il a perdu du cash et des occasions après avoir été un master financier. Puis il est devenu yogi et a appris de tout ça… Si j’avais… laisse faire les si! C’est ça qui tue la créativité. La vie n’est pas un long fleuve tranquille: des fois, c’est une rivière, avec des roches qui apparaissent, des rapides, peu d’eau. Tu composes avec ça, même si tu te mouilles, que tu perds tes affaires. Go with the flow… Tu rembarques dans le bateau et tu continues.

Nathalie Schneider

Nathalie Schneider is a journalist specializing in the outdoors and adventure tourism and has a large number of field reports to her credit. She is an outdoor columnist for Le Devoir and occasionally for Radio-Canada radio. She is also interested in subjects related to society, art and the environment.