La créativité, ça s’enseigne

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Alors que le Festival international de la créativité de Cannes bat son plein, voici une réflexion sur la créativité signée par Hélène Godin. Un texte tiré du nouveau guide annuel Infopresse, sorti en mars dernier.

On discute beaucoup de créativité depuis quelques années. Mais qu’en est-il vraiment? J’aimerais vous parler ici de la créativité pas comme d’une qualité intrinsèque aux métiers dits «créatifs», mais comme d’une compétence clé dans la plupart des domaines du travail et des études.

Je ne vous apprends rien si je vous dis que nos métiers évoluent, parfois disparaissent et que certains n’existent pas encore. Dans un monde en transformation et en changement constant, il faut s’adapter vite, il faut se réinventer.

La créativité, ce n’est pas seulement la capacité à trouver de nouvelles idées, mais surtout de pouvoir les faire aboutir, leur donner un sens, voire une mission. Et pour ça, l’on doit être capable de créer sur de multiples plateformes et de favoriser les échanges entre les disciplines. La créativité, ça s’enseigne et ça se cultive au contact avec les autres.

Quand on parle de transdisci­plinarité en communication, l’on a le réflexe de vouloir briser les silos entre les designers et les publicitaires ou, pour les plus audacieux, avec les architectes. Toutefois, selon moi, la transdisciplinarité qui aura de l’impact dans l’avenir demande encore plus d’ouverture et de mélange des genres: sciences + technologie + affaires + design + créativité culinaire, etc. Une belle combinaison de bas bruns et de bas de couleurs.

Les fondateurs de l’école du Bauhaus de Berlin avaient déjà bien compris en 1919 qu’il fallait mélanger les disciplines (architecture, design, photographie, costumes, théâtre et danse) et briser les silos pour révolutionner le monde. On n’invente rien.

Je crois par ailleurs que les designers, toutes disciplines confondues, détiennent une longueur d’avance en ce qui concerne la créativité, et qu’ils peuvent et doivent agir en tant qu’ambassadeurs du changement. Transmettre leur savoir, leur amour du beau, du sensible et de l’utilitaire connectés aux besoins humains.

Je souhaite encourager les designers à prendre des places d’influence au sein des entreprises et dans les décisions d’affaires. Le design et la créativité sont à la base du développement culturel et économique de la société. Pensons à Expo 67 et à son impact sur notre ouverture au monde ou à l’effet positif du Bureau du design de Montréal, qui, ces dernières années, a contribué à positionner Montréal comme ville Unesco de design. Ou à l’initiative du Sommet mondial du design, qui a tenu sa première édition cette année et dont la mission était justement de faire reconnaître le design comme moteur de changement.

Pensons à l’impact du design et de la créativité dans notre quotidien. Lorsque je prends une pause impromptue dans mon quartier, assise dans un des mobiliers éphémères couleur bleu ciel (banc de parc improvisé sur la rue), j’habite ma ville autrement. Lorsque je prends un véhicule de la Société de transport de Montréal, je comprends que je pose un geste pour l’environnement. Quand je saute dans un Téo Taxi, je sais que je contribue à une économie sociale. Que ce soit un design qui repose sur une mission solide et transforme notre façon de consommer ou un modèle d’affaires qui met la pensée design au centre de ses préoccupations, ce sont des exemples qui aident à accélérer les changements dans notre société.

La créativité ne se limite pas au design, à la publicité ou aux disciplines artistiques, elle s’applique dans presque toutes les sphères de la société. Et, contrairement à certaines idées reçues, ce n’est pas l’apanage de quelques doués d’un talent naturel, c’est une discipline qui s’enseigne.

Il existe aujourd’hui des écoles de créativité partout, comme Hyper Island en Suède et Kaospilot au Danemark. Ces villes embrassent la culture design dans tout ce qu’elles font et touchent. Montréal se distingue aussi par sa créativité à l’international, à nous de continuer de la faire rayonner en enseignant notre façon de faire. Notre culture métissée et notre approche organique sont recherchées. C’est ça, une posture créative!

Partageons notre savoir, métissons-nous pour mieux influencer notre avenir.

 

Crédit photo: Clovis Henrard

Originalement publié sur Infopresse.com

Hélène Godin

Cofondatrice, cheffe de la création, Factry

Le design montréalais ne serait pas le même sans l’apport d’Hélène Godin. Son talent et sa vision guident les plus grandes équipes de création pendant plus de 15 ans, et son travail est maintes fois primé à l’international. Conférencière et mentore, Hélène partage l’amour de sa ville et du design aux quatre coins du monde.