Ben Marc Diendéré à la Fondation Factry

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Il a travaillé pour des sociétés publiques, des entreprises cotées en Bourse et des coopératives. À chaque fois, il a laissé une trace de son passage grâce à sa créativité. Bonne nouvelle: il vient apporter son talent à la Factry.

Le mot «créativité» souffre un peu de son succès, on l’utilise à tout propos. C’est quoi, pour vous?

J’ai vécu sur divers continents et j’ai eu des expériences de travail dans des secteurs totalement différents: la culture, les télécomm., les médias, l’agroalimentaire, l’agriculture, le transport. J’ai observé que la seule chose commune qui détermine le succès ou l’insuccès d’une entreprise, c’est la créativité. Entre les plans stratégiques où l’on fait et défait, centralise ou décentralise, procède à des acquisitions: est-ce qu’il y avait assez de créativité dans ces opérations? Je ne parle ni de marketing ni de communication… Ces entreprises ont-elles été plus audacieuses que les autres?

Par exemple, quand Québecor et Vidéotron ont abandonné Vidéoway pour passer à Illico, elles se sont séparées de tout un pan de l’entreprise. Elles ont priorisé l’instinct, le fameux côté droit du cerveau qu’on n’écoute pas. Pourtant, c’est par là que tout passe.

Dans ma carrière, j’ai vu des décisions instinctives qui avaient l’air de simples coups de cœur, mais qui se sont révélées gagnantes. La créativité a un rapport avec l’audace, le risque, l’inventivité, c’est un vrai levier.

Ben Marc Diendéré Factry 2

Crédit photo : Martine Doucet

Avez-vous toujours été créatif?

Je me suis éduqué à l’être. Je déteste l’idée d’être une photocopieuse, de faire et refaire, et de reproduire un modèle de la même façon. J’ai eu des patrons très différents et, à chaque fois que l’un d’eux m’a aidé à avancer, c’est parce qu’il activait sa passion, son intuition et son tempérament artistique. Ce je-ne-sais-quoi qui fait qu’aujourd’hui tu ne penses pas tout à fait comme tout le monde…

J’ai eu la chance d’avoir des patrons qui ont accepté que je prenne des risques. Comme lorsque j’ai participé au plan stratégique de la Coop fédérée. Un jour, j’ai dit: il faut changer de nom. C’était un gros risque pour une marque qui a 90 ans! Mais ce nom ne reflétait plus ce que l’organisme était devenu. Et, en plus, ça ne fonctionnait pas en anglais. C’était très risqué. Mais j’étais convaincu que j’avais raison, et ça s’est fait comme ça! Aujourd’hui, ça s’appelle Sollio Groupe Coopératif, et l’organisation est rendue partout au Québec et dans le monde.

En général, sommes-nous suffisamment créatifs au Québec?

Quand on naît dans la vallée du Saint-Laurent, il y a un tas de risques que les autres vivent sur la planète qu’on n’a pas. On a de l’eau, des ressources naturelles et une sécurité. Cette situation de bien être fait en sorte qu’on peut être plus créatifs, plus rapidement. Et, pourtant, on attend encore la crise pour changer nos façons de faire.

On n’est pas totalement prêts à innover, parce qu’on pense qu’il faut soigner les plaies avant de changer les choses. Or, la blessure fait partie du changement. Dans l’industrie ferroviaire, par exemple, une des choses qui m’a le plus frappé est à quel point on n’est pas prêts à délaisser les anciens schémas. On ne se donne pas les moyens d’être créatifs.

Pourtant, pendant la pandémie, nous avons collectivement innové, non?

On a été obligés d’être créatifs à cause de la crise! Ce que je dis, c’est qu’il ne faut pas attendre une crise pour changer nos façons de faire. Un jour, des humoristes ont décidé que l’humour, ce n’était pas juste de l’humour; ils ont été créatifs et ont inventé une véritable industrie.

C’est certain que la pandémie a apporté de bonnes choses, comme le télétravail. Ça a sacré par la fenêtre les déplacements quotidiens pour aller au bureau. J’appelle ça le syndrome du camionneur: sa course débute avec un petit problème et, à la fin, ça devient un gros problème. Le temps passé en transport fait que tu ressasses tes problèmes personnels en allant à la job et que tu rapportes tes problèmes de job à la maison. Le télétravail a révélé ce qu’on est comme société: on se définit trop par le travail.

On sort de la pandémie, et on ne se pose pas les bonnes questions. On n’anticipe pas les problèmes, on est à la remorque. On cherche à régler le trafic routier? On construit des tunnels et des ponts… Trop de chevreuils dans un parc, qu’est-ce qu’on fait? On les abat! Il faut faire entrer la créativité là-dedans. Il faut réfléchir autrement.

Pourquoi avez-vous décidé de vous joindre à l’équipe de la Fondation Factry?

J’arrive à la Fondation Factry avec un désir de faire du lobbying et d’agir en tant que leader. Je ne veux pas d’un job où je vais devenir beige… Je voulais répondre au why, au fameux pourquoi, pour faire sens dans ma vie.

Je souhaite participer à changer les choses et répondre à la question: de quoi le Québec a-t-il besoin dans les 10 ou 15 prochaines années? Je pense qu’il faut promouvoir la créativité partout: dans l’éducation, les affaires, la francophonie, la santé, l’éducation, dans les médias aussi. Le gouvernement est le plus gros employeur du pays, et il doit comprendre qu’il ne peut pas changer les institutions à coup de réformes. C’est le dessin au grand complet qu’il faut refaire!

La Factry c’est beaucoup plus que des ateliers, je la vois comme le grand promoteur de la créativité. Il faut rappeler à ceux qui font le choix d’être créatifs qu’ils ne sont pas fous et il faut dire au gouvernement que la créativité, ce n’est pas du coloriage; c’est la solution pour régler des enjeux démographiques, climatiques, de santé publique, pour trouver des solutions concrètes à la pénurie de main-d’œuvre, à la démocratie. La Russie nous dérange, car elle n’est pas démocratique; nous, on est une démocratie, mais on ne va plus voter… Et, pourtant, on ne travaille pas sur l’organisation du vote électronique. Or, on peut le faire en sécurisant davantage la procédure. On peut tout améliorer en étant créatifs, même la justice sociale.

L’âge de pierre n’a pas fini parce qu’on a manqué de pierres… On a juste arrêté de frapper des silex ensemble pour faire du feu. Et on a fait autrement. Alors, c’est maintenant qu’il faut changer.


Ben Marc Diendéré se joint au conseil d’administration de la Fondation Factry composé de :

  • Philippe Meunier: Président du conseil, Chef de la Création et Co-Fondateur, Sid Lee
  • Guillaume Lavoie: Associé, Torys
  • Camille Baudry: Gestionnaire des opérations, Factry
  • Ian Kirouac: Vice-président exécutif – Initiatives stratégiques, Pomerleau
  • Isabelle Bettez: Entrepreneure techno, Administratrice & Coach
  • Helena Di Oliveira: Directrice des achats, Matériel roulant et composants, Amérique du Nord, Alstom
  • Stéphane Vidal: Vice-président marketing et communications, D-BOX

 

Nathalie Schneider

Nathalie Schneider est journaliste spécialisée dans le plein air et le tourisme d’aventure et compte à son actif un très grand nombre de reportages de terrain. Elle est chroniqueuse plein air notamment au Devoir et occasionnellement à la radio de Radio-Canada. Elle s’intéresse également à des sujets reliés à la société, à l’art et à l’environnement.